Anne-Laure Mahy, vous êtes responsable de la durabilité de Capvest.
Quelle évolution a suivi la durabilité sur les projets et quel rôle joue la durabilité dans le développement immobilier aujourd’hui ?
Anne-Laure : La durabilité a peiné à trouver sa place dans les développements immobiliers avec une position attentiste des acteurs. Sur les dernières années, quelques facteurs ont favorisé l’intérêt pour la durabilité comme les exigences ESG des institutionnels ou encore des choix engagés de certaines coopératives qui, via des visites de réalisations et une communication étendue, font bouger les pratiques métiers. Par ailleurs, l’émergence de projets de référence tel que le Parc des Crêts à Troinex qui met en valeur des critères de durabilité tels que les énergies, la gestion des eaux et la biodiversité renforce le déploiement de la durabilité sur d’autres projets.
Par nature, la durabilité touche de nombreux domaines et exige des compétences variées ce qui impose une complexité supplémentaire pour les chefs de projet qui doivent non seulement intégrer les critères de durabilité mais aussi le faire au bon moment et avec les bonnes équipes.
Quel rôle joue la durabilité ? Au niveau du projet, un extraordinaire potentiel dans des domaines variés et passionnants, une vision de projet à équilibrer avec son emplacement, son positionnement, sa rentabilité, son histoire… un engagement fort des équipes qui sont ouvertes à adapter leurs pratiques… et surtout un moteur à poser du sens dans chacune de nos actions. Au niveau de l’exploitation, la durabilité offre des potentiels d’économies pour les résidents mais aussi des potentiels d’une qualité de vie exceptionnelle.
Comment Osmia Advisors s’inscrit-elle dans cette dynamique ?
Yann : Osmia Advisors accompagne les développeurs immobiliers en intégrant des critères de durabilité au sein de leurs projets. Nous aidons à maximiser la valeur des investissements en alignant les projets sur des certifications reconnues (Minergie, Minergie-P, etc.) et en favorisant le réemploi de matériaux, contribuant ainsi à réduire l’empreinte carbone tout en répondant aux attentes des investisseurs et des usagers.
Anne-Laure : Osmia apporte une aide aux chefs de projet dès les phases de conception, phase essentielle pour poser les ambitions durabilité du projet. L’analyse initiale du site est un trésor de réflexion qui explore les critères de durabilité applicables au projet. Selon les critères à déployer, Osmia vient en soutien pour soutenir les choix et leur implementation tout au long du projet. C’est une dynamique formatrice pour les équipes projet qui permet de poser la vision du développement.
Quels sont les défis et les opportunités que vous voyez dans ce domaine ?
Yann : Intégrer la durabilité tout en respectant les budgets et les délais, gérer la complexité des réglementations énergétiques et environnementales et sensibiliser nos clients, nos parties prenantes afin de développer des projets durables sont les principaux défis au quotidien .
Les opportunités sont nombreuses :
- La demande pour des logements éco-conçus est en hausse, avec une priorisation de la qualité environnementale. 63,5 % des investissements récents dans des projets suisses sont dédiés à des résidences durables – Selon Etudes J.Safra Sarasin – 1291 La fondation de placement Suisse « Projets Immobiliers durables en Suisse ».
- Les investisseurs privilégient les Green Bonds et les portefeuilles alignés sur les Objectifs de développement durable (ODD), permettant de mobiliser des financements compétitifs pour des projets bien conçus.
Anne-Laure : Les défis sont nombreux, ils touchent les hommes tout autant que la technique. L’intégration des critères de durabilité remet en question des pratiques et savoir-faire existants qui freinent parfois l’élan de nouvelles initiatives. La temporalité des choix est essentielle tout autant que le maintien de la cohérence du positionnement du projet. Les critères sont nombreux, parfois complexes, et requièrent des compétences multiples qui bouleversent les cycles projet et les modes de communication. C’est pourquoi il est fondamental de communiquer de façon transparente avec les parties prenantes.
Les opportunités sont à la mesure des défis et méritent un engagement sans relâche : construire en polluant moins, réemployer les matériaux pour moins utiliser de ressources, exploiter en consommant moins, laisser une place centrale à la biodiversité et des espaces de vie de qualité pour les humains, respecter l’eau, l’air, les cycles, les trames, les voisins… porter du sens dans nos choix, nos communications, nos interactions et concrétiser des projets viables financièrement dont on est fier d’avoir été cocréateur… tout un programme.
En quoi le lien avec Capvest renforce-t-il cette vision ?
Anne-Laure : Capvest bénéficie d’une large expérience de développeur et de pilote de projet de toute taille. Capvest partage ainsi son expérience de gestion de projet et Osmia pousse l’intégration de critères sur le cycle de vie du projet. À terme, les chefs de projet sauront maîtriser les critères de durabilité et les porter sur les projets.
Yann : Le partenariat avec Capvest apporte un soutien stratégique et financier à Osmia Advisors, qui peut ainsi mieux répondre aux attentes croissantes des investisseurs en matière de durabilité.
Comment sélectionner les critères de durabilité ?
Anne-Laure : Je pense qu’il faut être opportuniste, adaptable et tenace. Aucun projet ne peut porter tous les thèmes de la durabilité pour des raisons de contraintes de temps et de moyens.
Il faut être pertinent sur les critères à étudier, à choisir et à intégrer au projet selon la fibre du MO, le potentiel du site, le plan financier, le calendrier mais aussi selon le « fit » naturel du projet à certains critères qui peut tout aussi bien être lié à sa géographie, son mode de commercialisation ou encore ses connexions naturelles par exemple. La durabilité doit être gagnante pour tous les acteurs, investisseurs, développeurs, constructeurs, résidents et trouver le bon mix est essentiel au succès de tout projet durable.
Quels types de projet bénéficient le plus de l’apport d’Osmia ?
Yann : Les projets résidentiels mixtes comme les initiatives comme « Roots » et « Perronimo » illustrent des modèles qui intègrent des logements à haute performance énergétique, avec des impacts mesurés en CO₂, tout en répondant à la demande locative. La rénovation énergétique représentera le plus gros du potentiel à venir. Citons l’exemple de l’école Steiner a Zurich .
En terme de quartier durable, le Suurstoffi a Rotkreuz est un quartier zéro carbone fonctionne intégralement avec des énergies renouvelables, intègre des solutions de smart grids, et offre des espaces résidentiels, commerciaux et de coworking.
Le secteur de la logistique également énormément évolué et il semble logique que ce dernier suivra la même dynamique.
Comment percevez-vous l’évolution de la demande des investisseurs pour des projets durables ?
Anne-Laure : La demande évolue selon le type d’investisseur. Certains ne s’engagent que sur des projets durables porteurs de sens, d’autres, à l’instar des institutionnels, exigent des critères ESG définis.
Pour les projets PPE, le marché tolère encore des projets peu ambitieux qui peuvent se commercialiser tout aussi bien. Les acquéreurs PPE tendent à se focaliser sur les aspects liés aux charges et aux exonérations fiscales sans forcément porter grande attention aux critères liés à la qualité de vie, la biodiversité ou le choix des matériaux. Aussi, un grand travail de sensibilisation est à conduire auprès des courtiers et des acquéreurs pour valoriser justement la durabilité.
Yann : En Suisse, la demande pour des investissements durables avance, les actifs alignés sur des objectifs climatiques attirant une part croissante du marché. Les investisseurs institutionnels exigent des plans de réduction d’émissions clairs et mesurables.
Cette évolution crée une pression pour que les promoteurs s’adaptent rapidement, tout en offrant des opportunités pour ceux qui adoptent des pratiques exemplaires.